Mustapha Belkhayate :«Il nous faut multiplier nos réserves d'or par cinq»






Les Échos Quotidien : Après avoir crevé le plafond, les prix de l’or semblent fléchir. Comment expliquez-vous cela ?
Mustapha Belkhayate : 
L’or est un produit financier qu’il ne faut pas analyser comme n’importe quel actif. Il n’y a qu’un seul acheteur, réellement : la Chine. Et un seul vendeur : l’Amérique. C’est un combat quotidien, exactement comme celui du chat et de la souris. À chaque fois que le cours va être tiré à la baisse à l’ouverture de New York, les Chinois améliorent leur moyenne d’achat. Voilà un scénario qui a commencé en 2001 et qui n’est pas prêt de s’arrêter. Les acheteurs sont patients et surtout ils ont des milliards plein les poches sous forme de bons du Trésor américain qui justement viennent d’être rétrogradés de la dimension suprême AAA. Donc le fléchissement de l’or n’est et ne sera que l’occasion pour les Chinois d’acheter à un meilleur prix. Et cela sur les dix prochaines années.
Vous pensez donc que le trend haussier de l’or va reprendre ?L’or se dirige vers un niveau qui va surprendre les Marocains, en particulier le gouvernement, peu habitué à une explosion pareille d’un actif financier, d’autant plus qu’il s’annonce comme concurrent officiel du dollar. Même à ce niveau, je peux annoncer sans hésiter que l’or va tripler d’ici 5 ans. Autrement dit, il va monter, monter et monter contre toutes les devises. Ceci, je l’avais prédit plusieurs années à l’avance. Les raisons restent les mêmes. Le dollar ne bénéficie plus de la confiance des créanciers de l’Amérique. La surliquidité artificielle n’a d’autre alternative que de s’assécher au niveau mondial, à travers le resserrement des taux d’intérêt des obligations d’État. La bulle de l’or papier, qui ne représente que 0,1% de l’or physique réellement existant, va ridiculiser celle des subprimes.
Vous déconseillez donc aux détenteurs d’or au Maroc d’en vendre ?Un kilo d’or coûte 460.000 dirhams au cours d’aujourd’hui sur le marché officiel de Londres. Dans cinq ans, le prix cassera très probablement la barre de 1,5 million de dirhams. Je recommande fortement aux Marocaines de ne surtout pas se précipiter pour vendre leur or. Il vaudra une fortune dans moins de trois ans. Ces prévisions ne sont pas hasardeuses, mais sont basées sur des informations professionnelles que je partage avec mes compatriotes. L’idée est de ne pas rester encore une fois incrédule et inactif. La crise n’est pas finie et il nous faut absolument réagir. Je suis certain que si nous rassemblons l’élite marocaine, nationale et internationale pour débattre de ce sujet crucial, nous pourrons accompagner avec force ce mouvement de développement extraordinaire que vit actuellement notre pays depuis 10 ans.
Estimez-vous que l’or est suffisamment pris en compte dans la gestion des réserves ?Il faut d’abord souligner que notre gestion des réserves de change est exceptionnelle. Ces dernières sont supérieures à celles du Qatar, de la Hollande et même de l’Espagne. Toutefois, c’est dommage qu’on ait négligé le département or, qui nous aurait donné un matelas confortable pour accompagner l’appétit de nos hommes d’affaires dynamiques et à la dimension internationale. La moyenne de détention de réserves en or dans la zone MENA ne représente que 4,7% de ses réserves de change, soit 7 fois moins que l’Europe et près de 9 fois moins que les États Unis. Elle est 2 fois moins que la moyenne mondiale !
Quelles sont les conséquences de cette sous-exposition dans la région MENA ?En 10 ans, elle a coûté plus de 150 milliards de dollars et cette perte risque de s’aggraver sur les années à venir, si la Zone MENA continue de sous-estimer l’importance de l’or dans la gestion des risques globaux. Si les pays de la zone MENA achètent et se font livrer l’or physique, non seulement ils auront un pouvoir financier certain et moins volatile, mais surtout ils en auront le contrôle. Cela est d'autant plus vrai que le roi des métaux précieux est la seule devise qui ne promet pas d’intérêt, donc par définition, respectant la «Charia». Pourquoi la France, l’Allemagne, les États Unis et bien d’autres pays développés ont-ils converti plus de la moitié de leur réserves de change en or ? Quelle est donc cette information stratégique, détenue par l’Europe et l’Amérique, et qui reste ignorée par le Maroc ? Je suis disposé à déposer cette information sur la table du conseil des ministres.
À quel niveau Bank Al Maghrib devrait-elle hisser ses réserves en or ?La gestion des réserves de change est un équilibrage pointu entre 3 départements : le dollar, l’euro et l’or. Il est clair que l’or va prendre le dessus sur les deux autres. Il nous faut multiplier nos réserves d’or par 5 dans un premier temps, pour passer la barre des 100 tonnes...

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